Le recueil de nouvelles Retour à Haïfa et autres nouvelles de Ghassan de Kanafani sont des histoires courtes en mots mais remplies de discernement.

Le sens profond de chaque nouvelle n’est pas systématiquement évident, mais les histoires racontées sont poignantes, font réfléchir et mettent donc à l’honneur la pensée. Je qualifie ce livre intitulé Retour à Haïfa et autres nouvelles de Ghassan Kanafani de trésor de lecture. Un recueil de 12 nouvelles, écrit par un écrivain remarquable et attachant. Ce fut son dernier ouvrage, avant de décéder de manière brutale (Véhicule piégé).

Il faut s’extirper de sa bulle, de sa zone de confort pour se placer au cœur de la vie des personnages et du contexte afin de percevoir les sagesses qui en émanent. Les titres des 12 nouvelles forment à elles seules une invitation au voyage littéraire, à la recherche d’humanisme, de méditation. Plus que des histoires, c’est une tranche d’Histoire que nous expose à sa manière Ghassan Kanafani.

 

Les extraits notables :

Sentence :

C’était un amateur de philosophie. Pour lui, la vie était une simple théorie. Sa philosophie, bien sur, évolua avec le temps. Partant de là, il aboutit à une sentence encore plus laconique : La mort c’est la conclusion de la vie.

La citadelle des esclaves :

Imagine ça ! soixante-dix ans pour rien, ça n’a pas de sens. Imagine que tu as marché soixante-dix ans sur une seule route, la même direction, les mêmes bordures, le même horizon, tout toujours pareil…C’est quelque chose d’insupportable !

La Soif :

Ta famille limite ta liberté ? Quitte-la. Tes amis se moquent ? Abandonne-les. Ton travail ne t’apporte rien ? Démissionne !  Et après ? Maintenant, tu portes quatre murs et tu vas, comme un homme de plâtre. Pourquoi n’avoir pas reconnu des le début que le vrai mensonge est venu de ton échec ? Tu as cru qu’en te comportant différemment tu deviendrais différent. Quel mensonge ! Jette ton mégot, la maison n’en brulera pas pour autant et, même si elle brule, elle restera au-dessus de ta tête.

Pourquoi porter seul le fardeau :

Fais le bien, et n’en attends rien. C’est tellement étonnant que s’en est consternant. Vingt ans qu’il fait le bien en jetant du pain à la mer ! Et s’il cessait de jeter du pain aux poissons, y perdrait-il quelque chose ?

La moitié du monde :

-C’est vraiment étrange que tu ne puisses pas accepter l’existence de deux choses. Pourquoi la table et toi n’existeriez-vous pas en même temps ?

-Parce que ce n’est pas vrai et que nous ne pouvons exister en même temps, et parce que ma façon de penser est plus commode.

Avec les bras, les mains et les doigts :

Il secoua la tête avec amertume et poursuivit : Je sais que tu es affamé et que tu ne prends que le lait de ta mère. Mais c’est la vie, pauvre petit. Les gens perdent leur mère et leur père, et ceux-ci perdent leurs enfants, et chaque créature doit se débrouiller toute seule.

Retour à  Haïfa :

Mercredi 21 avril 1948, au matin. Haïfa ne soupçonnait rien encore, même si une tension confuse régnait. Le bombardement vint subitement de l’est, des hauteurs du mont Carmel. Les tirs de mortier commencèrent à siffler au dessus du centre-ville, en direction des quartiers arabes.

Au dessus devant lui, la fumée, les lamentations, le fracas des bombes et le sifflement des balles, tout se mêlait à la clameur grondante de la mer, aux piétinements, au bruit des rames sur les vagues…Vraiment, vingt ans ont-ils passé sur tout cela ?

Vous savez, madame ? Il me semble que chaque Palestinien en paiera le prix : j’en connais beaucoup qui ont donné leurs fils, et je sais maintenant que moi aussi je viens d’en donner un, d’une façon assez singulières, mais je l’ai donné comme le prix à payer…Ça a été ma première participation. Il ne me serait pas facile de l’expliquer.

 

Mon avis :

Le recueil Retour à Haïfa et autres nouvelles se lit très rapidement du fait de son volume (127 pages), mais surtout de par la profondeur de ses histoires, sincères et touchantes. Cet ouvrage ouvre la page « du cœur », nous projette au devant de la scène avec les personnages.  Nous faisons bien plus que visualiser les événements nous les vivons…

Je vous invite vivement à découvrir ce recueil de nouvelles ainsi que cet auteur. Ce livre fait partie de mes belles découvertes du moment. Je ne doute pas que j’en ferais d’autre car il est impossible pour moi d’arrêter mes voyages littéraires… des cartes postales en pagaille vous attendent.